Le cabinet de curiosités

Formes, couleurs, comportements… Des insectes et des plantes sauvages étranges. Quand le jardin devient cabinet de curiosités…

Séduire ou tout au contraire se faire oublier. Pour se protéger ou pour mieux tromper une proie. Parfois abuser de la crédulité d’un comparse involontaire. Ce que nous prenons pour une étrangeté n’est jamais gratuit. Sécurité et reproduction sont ainsi les maîtres-mots du cabinet de curiosités du jardin.

Les orchidées sauvages en sont un bon exemple. Pas de nectar mais de l’illusion, sinon de la supercherie à revendre pour s’adjoindre les bons offices des butineurs ! Cela dit, les insectes ne sont pas en reste en matière d’artifice. En témoignent ici la brindille, là le fagot de ces deux chenilles… Prévention oblige.

Les situations sont parfois abracadabrantesques au fil de cette sélection d’une quinzaine d’étrangetés du jardin. Quelques fois amusantes. Souvent un peu cruelles. La biodiversité n’est pas un long fleuve tranquille.

 

Les mouches par l’odeur alléchées

Pas de pétales ni de nectar pour séduire les pollinisateurs. L’Arum sauvage a développé une toute autre stratégie avec cette spathe en forme de cornet. Elle diffuse et concentre ainsi une forte odeur… d’excréments. Attirées par lesdits effluves, les mouches parviennent à se faufiler dans le réceptacle à la base de la spathe. Non seulement elles n’y trouvent évidemment pas la matière escomptée mais elles ne peuvent plus sortir. Les cils qui les retiennent prisonnières ne flétriront qu’une fois la fécondation assurée. Il est vrai qu’à force de tourner en rond et de se démener, les mouches ont tôt fait de disperser le pollen…

 

Diaboliques pique-assiettes

Nées ici au revers d’une feuille d’aubergine, les larves de la Stenoria analis ont vocation à parasiter le terrier d’une abeille sauvage. Mais comment y aller ?  Leur stratagème est diabolique. Pour cela, elles jouent collectif ! Les voilà qui se constituent en une petite « grappe » pendante pour émettre bientôt des phéromones propres à attirer les abeilles mâles alentours… Dès que l’un d’entre eux se présente, quelques larves s’accrochent à sa fourrure avant qu’il ne réalise sa méprise. Elles profiteront d’un prochain véritable accouplement pour passer d’un mâle à une femelle qui les conduira jusqu’au nid. Et là, miel à volonté !

 

Le cerisier met la gomme

On se défend comme on peut quand on est cerisier. Celui-ci semble avoir été malmené par des tailles intempestives mal cicatrisées, ouvrant la voie aux bactéries et à des foyers d’infection contre lesquels l’arbre cherche à se protéger.  D’où cette production et ces écoulements de gomme. Une sorte d’auto-antidote par lequel le cerisier espère circonscrire et évacuer les parasites qui le rongent. Un emplâtre d’argile et de bouillie bordelaise devrait l’y aider.

 

Une mouche déguisée en bourdon

On jurerait un Bourdon terrestre mais c’est bien une mouche. La Volucelle bourdon présente une variante : noire avec la pointe de l’abdomen rousse, à l’image du Bourdon des pierres. Dans les deux cas, elle est parfaitement inoffensive. Le mimétisme lui permet sans doute de tenir en respect d’éventuels prédateurs. Mais pas seulement. Ainsi affublée, la femelle peut entrer incognito dans le terrier des bourdons pour y pondre ses oeufs.  Les larves y feront le ménage (cadavres, déchets divers) avant de s’attaquer au couvain…

 

Un petit point blanc sur l’épaule

Les punaises sont réputées ne pas (trop) craindre les prédateurs. Face au danger, elles sécrètent en effet une odeur particulièrement désagréable. De quoi couper l’appétit ! Cela dit, il y a des dangers que l’on ne voit pas venir… Comme ce petit oeuf blanc subrepticement déposé sur l’épaule gauche de la punaise verte par une mouche dont c’est la spécialité : la Phasie crassipenne. Sitôt l’éclosion, la larve pénétrera son hôte involontaire pour s’en nourrir de l’intérieur.

 

Le troupeau et ses bergers

Pas vraiment une découverte mais toujours impressionnant ! Une colonie naissante de pucerons sous la houlette de quelques fourmis. Celles-ci vont et viennent. Comme les bergers rassemblent, surveillent et protègent leur troupeau. Un échange de bons procédés. Les fourmis se liguent contre d’éventuels prédateurs. En retour, les pucerons sucent la sève des jeunes pousses de fèves et  rejettent un miellat sucré dont raffolent leurs protectrices. À vrai dire, la protection est toute relative. Il suffit que survienne une larve de coccinelle pour que le « troupeau » soit vite abandonné à son triste sort…

 

La coccinelle zombie

Cette coccinelle asiatique semble couver un cocon accroché sur une feuille de zinnia. Du moins en assure-t-elle la protection. Jour et nuit. Garde du corps d’une créature dont elle a été la nourrice involontaire pendant environ deux semaines ! C’est une petite guêpe qui lui a injecté un oeuf. La larve s’est nourrie de ses fluides internes en prenant soin de ne pas toucher aux organes vitaux. Elle a fini par ressortir pour aussitôt tisser son cocon entre les pattes de la pauvre coccinelle zombie qui restera sous emprise jusqu’à la fin de la métamorphose…

 

Les tire-bouchons du peuplier

Comme toutes les galles, celle-ci est l’oeuvre d’un insecte dont la piqure fait coup double. Injection des oeufs et déformation des fibres pour constituer un habitacle propre à protéger les futures larves. Minuscule puceron, le Pemphigus spyrothecae intervient ainsi au printemps sur les tendres pétioles des feuilles de peuplier. Gonflement et torsion : il en résulte une carapace « tire-bouchonnée » autour d’une loge duveteuse. Avec sève à volonté. Lorsque les feuilles tombent en automne, il y a déjà longtemps que les galles sont vides. Une fente dans un des replis du tire-bouchon a libéré la nouvelle génération de pucerons. Elle passera l’hiver au creux de l’écorce crevassées des peupliers.

 

La chenille étrangement fagotée

L’histoire de la Psyché lustrée est assez édifiante. La stratégie de cette chenille est simple : « Ni vue, ni connue » ! Dès la naissance, elle se fabrique donc un fourreau de brindilles. Pour la vie. Elle n’en sort jamais. Sauf pour l’agrandir et le réparer. Sinon, elle le traîne à la manière d’un escargot et s’y rétracte à la moindre alerte. Seul le mâle s’en échappe brièvement. Devenu petit papillon noir, il n’en meurt pas moins sitôt l’accouplement. Pour sa part, la femelle ne prend même pas le temps de devenir papillon. Elle retourne dans son fagot après la rencontre du mâle. Pour pondre et mourir. Et c’est reparti pour un tour !

 

Un leurre irrésistible

À quoi bon prendre la peine de produire du nectar ? L’Orphrys abeille s’en dispense grâce à la lèvre inférieure de sa corolle. Un leurre efficace. À la fois visuel et olfactif. Persuadés d’avoir affaire à une abeille femelle, les mâles n’y résistent guère. Certes, ils réalisent vite la supercherie. Mais ils se sont suffisamment démenés pour assurer la pollinisation !

 

Les cornes et le fumet ! 

Comme autant de serpentins ! Sous le casque enveloppant de chaque bouton floral, la lèvre inférieure de l’Orchis bouc est curieusement trilobée : un petit tortillon de part et d’autre d’un long ruban spiralé. Est-ce là, par allusion aux cornes, l’origine de son nom vernaculaire ? À moins que ce ne soit l’odeur… Un fumet bien particulier pour attirer les mouches qui fécondent les fleurs mais n’y trouvent rien à déguster en retour. Encore une de ces duperie dont les orchidées ont le secret !

 

Des bouchons d’herbes sèches

D’où viennent ces herbes sèches à l’extrémité des bambous stabilisateurs des piquets de tomates ? Les plus longues pendent sur une dizaine de centimètres. Et les interstices ont été minutieusement colmatés. C’est une grosse guêpe noire, l’Isodonte mexicaine, qui a ainsi rebouché son nid, après y avoir installé sa progéniture. Elle a compartimenté le tube, toujours avec des brins d’herbe, pour aménager une dizaine de loges. Un oeuf dans chacune d’elles et… une sauterelle vivante (mais anesthésiée) pour chaque oeuf. Le casse-croute des futures larves !

 

Le petit monsieur

On pourrait croire à une matrone transportant un de ses rejetons sur le dos… Mais c’est bien Monsieur Thomise variable ! Un petit monsieur en vérité. Qui n’est en pas moins entreprenant. Il explore ici le gros abdomen de sa belle avec l’intention que l’on devine.

 

Pour un butinage express

À première vue, ces corolles de la Sauge bleue ne présentent rien de particulier. Sinon des petites « fenêtres » aménagées au plus près du calice. C’est le Bourdon des saussaies qui les a percées pour accéder plus facilement au nectar. Grâce à ces petits aménagements, le stakhanoviste améliore le rendement de son butinage à chacun de ses passages…