Andrènes, mégachiles, anthophores, halictes, mellites, anthidies, eucères… Petit inventaire dans la grande diversité des abeilles sauvages du jardin.
Quand on évoque les butineurs, on pense bien sûr aux abeilles domestiques. Elles sont cependant très loin d’être les seules. Comment ne pas compter aussi avec bourdons, syrphes et papillons ? Et les abeilles sauvages ! Sans doute les plus nombreuses. En voici une quarantaine, familières du jardin.
Certaines sont terricoles. Elles creusent leur terrier jusque dans la terre meuble du potager. Plus souvent dans quelque coin plus tranquille. Elles constituent ainsi parfois de véritables petites « bourgades ». Tout en restant solitaires : ensemble, mais chacune chez soi ! C’est le cas notamment de la Collète du lierre.
Sinon, opportunistes, elles investissent et aménagent des cavités de rencontre. Parfois même des coquilles d’escargots ! Mais les tiges de bambou des tomates font souvent très bien l’affaire. Elles y aménagent des cellules avec divers matériaux, résine, terre ou feuilles soigneusement découpées.
Éclectiques ou spécialisées
Si la Collète du lierre, comme son nom le suggère, est inféodée au nectar et au pollen du lierre, et n’apparaît donc au jardin qu’en automne, leur régime est le plus souvent éclectique. Avec parfois une préférence, comme la Mellite de la salicaire, mais toutes peuvent compter sur la grande variété florale du potager, des haies et des prairies alentours. Et d’abord celle des plantes sauvages préservées ici et là. Jusque dans les allées du jardin.
Au hit parade de leurs fleurs favorites : romarin, scabieuse, cosmos, sauges, pissenlit, trèfles, crépides, picride, brunelle, ronce, cornouiller sanguin… Sans oublier, bien-sûr, l’explosion printanière des arbres fruitiers. De ce point de vue, la palme revient au très prolifique mirabellier.
Coucous et autres parasites
Toutes ne collectent cependant pas nectar et pollen pour nourrir leurs larves. Hepeolus fallax et Coelioxys inermis notamment préfèrent jouer les « coucous ». Elles butinent, certes, mais pour elles-mêmes. Sans autre souci que de « confier » leur progéniture à plus industrieuses qu’elles.
Mais d’autres dangers guettent encore. Certaines mouches, des ichneumons et mêmes quelques coléoptères se sont faits une spécialité de parasiter les abeilles sauvages. Soit en pondant à l’entrée du nid, soit, comme le Méloé, en faisant transporter leur progéniture par les abeilles elles-mêmes. Le comble du parasitisme !
En savoir plus :
- Bellmann 2019, Abeilles, bourdons, guêpes et fourmis d’Europe, Delachaux & Niestlé.
- Boyer 2015, Abeilles sauvages, Ulmer.
- Vereecken 2018, Découvrir et protéger nos abeilles sauvages, Glénat.
- Vincent Albouy 2005, Le Bourdon, Belin Éveil nature.
- Les abeilles solitaires avec le site aramel.free.fr
Les abeilles sauvages sont parfois minuscules. Celle-ci approche d’une fleur de ronce commune. Une abeille domestique a déjà investi le bouquet d’étamines ? Même pas peur !
Le pollen sur une brosse ventrale…
Yeux verts et brosse ventrale blanche : la Mégachile pilidens sur une fleur de ronce commune.
Mégachile versicolore sur fleur de ronce bleue, abdomen relevé dévoilant la brosse rouge et noire, poudrée ici de pollen blanc.
Mégachile des jardins (M. willughbiella) en pause. Mâle aux tarses avant aplatis avec frange de poils blanc-orangé.
L’Osmis cornue : une abondante fourrure abdominale, rousse flamboyante.
Comme l’Osmie cornue, sa cousine, l’Osmie rousse est toujours en mouvement. Plus petite, également cornue, sa livrée est plus neutre. Sauf sa brosse à pollen ventrale. D’un jaune orangé éclatant.
Reflets bleutés pour Madame, dorés pour Monsieur : l’Osmie bleuissante émerge en début de printemps.
Thorax brun-rouge, court abdomen rythmé de fines bandes claires, brosse ventrale orangée : Madame Osmie hélicicole sur épis de salicaire.
Petite Osmie sp., peut-être O. Cornifrons, sur épi de Sauge des bois.
… ou sur les pattes arrière.
L’Amégille à joues blanches avec ici un spectaculaire manchon rose-pourpre sur les pattes arrière, à l’unisson des anthères de la guimauve officinale.
De longues, très longues antennes pour le mâle de l’Eucère longicorne (Eucera longicornis).
Madame et Monsieur Eucère dentée (Tetraloniella dentata) se font la cour sur une inflorescence de scabieuse au coeur de l’été.
Eucère sp., peut-être E. nigrescens, plongée dans une fleur de fève.
Autre petit Lasioglossum sp. au sortir de l’hiver en exploration d’un capitule de pissenlit. Peut-être Lasioglossum pallens.
Autre Lasioglossumn sp. dont les fines bandes feutrées blanches sont bien marquées et régulières à l’avant des tergites.
La Mellite de la salicaire dont les larves ne mangent pas n’importe quoi : du pollen et du nectar de salicaire sinon rien !
La Mélitte de la luzerne, dans les allées du jardin, sur les petites inflorescences jaune vif de la Luzerne lupuline.
Sans oublier les Andrènes.
Micro-andrène sur capitule de pissenlit. Peut-être Andrena (micrandrena) minutula.
Des ailes fumées aux reflets légèrement bleutés pour l’Andrène agile ici sur fleurs de poirier.
L’Andrène bicolore : une des abeilles les plus précoces du jardin, ici sur Ficaire fausse-renoncule.
L’Andrène cendré (Andrena cineraria) : deux bandes de fourrure grise et un toupet assorti.
Comme une signature : un toupet de poils roux à la pointe de l’abdomen pour l’Andrène cul-rouille.
L’Andrène dorsale : une dense fourrure thoracique orangée et des brosses de collecte finement peignées, ici chargées de pollen jaune pâle.
Une livrée noire on ne peut plus sobre pour l’Andrène humble (Andrena humilis).
Dans la série des abeilles sauvages au pourpoint roux, l’Andrène limpide se distingue par un abdomen noir et luisant, presque glabre.
Une des abeilles sauvages les plus rondelettes du jardin ! Madame Andrène noir-bronze et sa brosse de collecte orangée.
Fort contraste pour cet Andrène sp., peut-être A. pilipes, au corps noir quasi glabre et des brosses blanchâtres envahissantes sur les pattes arrière.
quelques abeilles coucous…
Sphecodes sp., peut-être Sphecodes crassus, membre d’une famille d’abeilles coucous, parasites notamment des halictes.
Sphécode à labre blanc, en patrouille au flanc d’un talus, à la recherche sans doute d’un terrier de Collète lapin, sa cible favorite.
Dominante noire, thorax brun gris, mèches blanches sur les pattes et les côtés de l’abdomen pour la Mélecte commune, abeille-coucou attitrée de l’Anthophore plumeuse.
Avec un look de petite guêpe, la Nomade rousse est une « abeille coucou ». Elle patrouille au jardin à la recherche de terriers d’abeilles sauvages et notamment d’andrènes. Pour y pondre ses oeufs.
Même allure de guêpe, même comportement d’abeille-coucou pour deux proches cousines : la Nomade commune…
… et la Nomade fardée (Nomada fucata).
Une mégachile sans brosse abdominale : Coelioxys inermis ne collecte pas de pollen et préfère jouer les « coucous ».
Un de ses cousins, le Coelioxys quadridentata.
Une autre « abeille coucou ». L’Epeolus fallax installe sa progéniture dans le nid de la Collète du lierre.
… Et autres parasites.
Les larves du Méloé se postent sur les fleurs pour s’agripper à la fourrure des abeilles de passage.
Celles de la Stenoria analis ont le même objectif : être transportées vers un nid. Avec le concours cette fois des mâles. Diabolique !
Madame Sitaris des murailles cible plutôt le nid d’une Anthophore plumeuse pour y déposer ses milliers d’oeufs. Une extraordinaire et périlleuse aventure est promise à sa progéniture !
Avec pareille tarière, le Gastéruption à javelot est bien équipé pour déposer ses oeufs dans les nids les plus profonds et les mieux calfeutrés.
Madame Conops à pattes jaunes pratique un parasitisme plutôt virtuose : elle cible notamment les bourdons pour déposer ses oeufs, en vol, sur leur fourrure.
Moins « nounous » qu’il n’y parait : Madame Petit bombyle – tradition familiale – pond à proximité des nids d’abeilles sauvages. Ses larves y feront le ménage !
Le Clairon des ruches pond au coeur même des fleurs. On devine la suite. Une fatale de conception du covoiturage !